amérindien

Poèmes du Monde

 

 

amérindien

 

Poème indien  

Au commencement, cela était non existant.
Cela devint existant, grandit.
Cela devint un ouf.
L’oeuf demeura ainsi le temps d’une année.
L’oeuf s’ouvrit.
Des deux moitiés l’une était d’argent, l’autre d’or.
Celle en argent devint cette terre,
Celle en or devint le ciel,
L’épaisse membrane du blanc les montagnes,
La fine membrane du jaune la brume et les nuages,
Les petites veines les rivières
Et le liquide la mer
Et le soleil naquit. 

Londres 1926 – cité par Marie-Louise von Franz,
Les mythes de la création, La Fontaine de Pierre, 1982 Upanishad vol I p. 54-55,
trad. Max Müller,
Oxford University Press

le doigt de dieu

 

 

 

Poème hébreu

Dieu dit : « Qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour de la nuit, qu’ils servent de signes tant pour les fêtes que pour les jours et les années,
et qu’ils servent de luminaires au firmament du ciel pour illuminer la terre ». Il en fut ainsi.
Dieu fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour présider au jour, le petit pour présider à la nuit, et les étoiles.
Dieu les établit dans le firmament du ciel pour illuminer la terre, pour présider au jour et à la nuit et séparer la lumière de la ténèbre. Dieu vit que cela était bon.
Il y eut un soir, il y eut un matin : quatrième jour. 

La Genèse, Quatrième Jour,
Traduction œcuménique  

 

 

 amérindienne

 

Poème Chinois 

Quelque chose de confus et mélangé
Etait là
Avant la naissance du ciel et de la terre. 

Fait de silence et de vide
Seul et immobile
Circulant partout sans s’user
Capable d’être la genèse de l’univers. 

Son nom reste inconnu
On l’appelle Tao.
Et, pourquoi pas,
Grand absolu. 

Grand car il y a expansion
Expansion toujours plus loin
Spirale avec son retour. 

Ainsi, grande est la voie
Grand est le ciel, grande est la terre
Grand, l’être. 

Dans l’univers existent quatre grandeurs
Dont l’être.
L’être humain se modèle sur la terre
La terre sur le ciel
Le ciel sur la voie
Et la voie demeure naturelle.

Tao-Te-King, Chant 25, de Lao-Tseu,
vers VIe s av. JC;
trad. Ma Kou, Albin Michel, coll Spiritualité, 1984

 

 

 fleur paix

 

Poème Phénicien

« Sans limites et sans durée était l’atmosphère, et un vent s’élevait en son même sens. Et le vent devint amoureux de son principe et se retourna sur lui-même, d’où naquit le Désir. Le Désir a été le principe de tout […] Et de lui naquit Môt, pourriture d’un mélange aqueux. Môt apparut en l’aspect d’un Œuf, – et de là sortirent des êtres inconscients, puis conscients et contemplateurs des cieux ! »

(in P. Ravignant et A. Kielce (éd.).
Cosmogonies : les grands mythes de la création du monde (choix de textes),
Le Mail, 1988)

 

 

 ange aile

 

Poème Grec

« Donc, avant tout, fut le Vide ; puis Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants, et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le cœur et le sage vouloir. Du Vide naquirent Erèbe et la noire Nuit. Et de Nuit, à son tour, sortirent Éther et Lumière du Jour. Terre, elle, d’abord enfanta un être égal à elle-même ; capable de la couvrir toute entière, Ciel Étoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais.  »

Hésiode, Théogonie ;
traduction Les Belles Lettres

 

 

 bouddha sur l'eau

 

 

Pan Gu

Il était une fois, Yin les ténèbres et Yang la lumière. Yin et Yang constituaient les deux forces vitales de l’univers. De leur union, naquit le dieu Pan, Gu. Il se développa durant 18 000 ans dans les ténèbres d’un énorme œuf. Au bout de 18 000 ans, l’œuf s’ouvrit et se divisa : toutes les particules transparentes et légères s’envolèrent et formèrent le ciel, tandis que les parties lourdes et opaques s’enfoncèrent pour former la terre.

Pour empêcher le ciel et la terre de se mêler à nouveau, Pan Gu se redressa et se mit à grandir de dix pieds par jour pour les tenir écartés. Ainsi séparés pendant 18 000 ans, la terre et le ciel se stabilisèrent.

Pan Gu put enfin se reposer ; il s’allongea et mourut. Son souffle donna naissance au vent et aux nuages, sa voix au tonnerre, son œil gauche devint le soleil et son œil droit la lune, ses cheveux et ses moustaches dévirent des étoiles dans le ciel. Les autres parties de son corps se transformèrent en montagnes, en fleuves et en arbres et constituèrent toutes les parties de la terre et sa transpiration se transforma en pluie et en rosée.

Mythe chinois

 

 

 Yogananda

 

 

La mort du chaos

Shu l’empereur de la mer septentrionale et Hu l’empereur de la mer du Sud se rencontrèrent souvent sur le territoire du Hun Dun, le chaos. Ils voulurent le remercier de son hospitalité. S’avisant que chacun d’entre eux possédait sept orifices corporels pour manger, voir et entendre, alors qu’Hun Dun n’en avait qu’un, ils décidèrent d’offrir de nouveau orifices à leur hôte. Ils creusèrent le corps de Hun Dun à l’aide de ciseaux et de pointes, à raison d’un trou par jour. Au bout du septième jour, ils achevèrent leur ouvrage mais Hun Dun était mort. Tandis que le chaos rendait l’âme, le monde voyait le jour.

Mythe chinois rapporté par Zhuangzi
IVe s. avant J.-C.

 

 

 

  petit boudhaPhrase du Jour à méditer

(Cliquez sur l’image)

 

 

« Il n’était alors ni Non-Être, ni Être. Il n’était d’atmosphère, ni de ciel au-dessus. Qui enveloppait tout ? Eau ou abîme ? Jour ni nuit, ni mort, ni immortalité. L’Un respirait calmement, étant à lui-même son soutien. L’Un vide et enveloppé de néant, se développait par la Ferveur : et le Désir s’éleva en lui, et, de là, est le germe premier, lien qui unit Être et Non-Être »

 

 

Inde, Rig Veda


 

 

« De la conception, l’accroissement. De l’accroissement, l’intumescence. De l’intumescence, la pensée.- De la pensée, le souvenir. Du souvenir, le désir. – Fécond devint le mot. Et il s’unit avec la vague lueur, et il engendra la nuit. – Du néant, la naissance ».

 

 

Nouvelle Zélande, Poème Maori


 

 

« Il était! Taaroa était son nom. Il planait dans le vide : point de terre et point de ciel. Taaroa appelle, mais rien ne lui répond. Alors, de son existence solitaire il tira l’existence du monde. Les piliers, les rochers, les sables, se lèvent à la voix de Taaroa : c’est ainsi que lui-même s’est nommé ! Il est le germe et l’assise, et l’incorruptible ».

 

 

Polynésie, Poème Tahitien


 

 

L’Ordre et la Vérité sont nés
de l’Ardeur qui s’allume.
De là est née la Nuit.

De là l’Océan et ses ondes.
De l’Océan avec ses ondes
naquit l’Année,
qui répartit jours et nuits,
régissant tout ce qui cligne des yeux. 

L’Ordonnateur a mis en forme
le Soleil et la Lune, en rang de priorité ;
le Ciel et la Terre ;
l’Espace aérien ; enfin la Lumière.

 

 

Hymne Védique, L’ardeur cosmique


 

 

Donc, avant tout, fut le Vide ; puis Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants, et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le cœur et le sage vouloir.

Du Vide naquirent Erèbe et la noire Nuit. Et de Nuit, à son tour, sortirent Éther et Lumière du Jour. Terre, elle, d’abord enfanta un être égal à elle-même ; capable de la couvrir toute entière, Ciel Étoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais.

 

 

Hésiode, Théogonie

 




 

 

Avant la mer, la terre et le ciel qui couvre tout, la nature, dans l’univers entier, offrait un seul et même aspect ; on l’a appelé le chaos ; ce n’était qu’une masse informe et confuse, un bloc inerte, un entassement d’éléments mal unis et discordants. Il n’y avait pas encore de Titan pour donner sa lumière au monde ; Phébé ne réparait pas les cornes nouvelles de son croissant ; la terre n’était pas suspendue dans l’air environnant ni équilibrée par son propre poids ; Amphitrite n’avait pas étendu ses bras tout le long des rivages. Partout où il y avait de la terre, il y avait aussi de la mer et de l’air ; ainsi la terre était instable, la mer impropre à la navigation, l’air privé de lumière ; aucun élément ne conservait sa forme, chacun d’eux était un obstacle pour les autres, parce que dans un seul corps le froid faisait la guerre au chaud, l’humide au sec, le mou au dur, le pesant au léger.

Un dieu, avec l’aide de la nature en progrès, mit fin à cette lutte ; il sépara du ciel la terre, de la terre les eaux et il assigna un domaine au ciel limpide, un autre à l’air épais. Après avoir débrouillé ces éléments et les avoir tirés de la masse ténébreuse, en attribuant à chacun une place distincte, il les unit par les liens de la concorde et de la paix. La substance ignée et impondérable de la voûte céleste s’élança et se fit une place dans les régions supérieures. L’air est ce qui en approche le plus par sa légèreté et par sa situation ; la terre, plus dense, entraîna avec elle les éléments massifs et se tassa sous son propre poids ; l’eau répandue alentour occupa la dernière place et emprisonna le monde solide.

Lorsque le dieu, quel qu’il fût, eut ainsi partagé et distribué l’amas de la matière, lorsque de ses différentes parts il eut façonné des membres, il commença par agglomérer la terre, pour en égaliser de tous côtés la surface, sous la forme d’un globe immense. Puis il ordonna aux mers de se répandre, de s’enfler au souffle furieux des vents et d’entourer d’une ceinture les rivages de la terre. Il ajouta les fontaines, les étangs immenses et les lacs, enferma entre des rives obliques la déclivité des fleuves, qui, selon les contrées, sont absorbés par la terre elle-même ou parviennent jusqu’à la mer et, reçus dans la plaine des eaux plus libres, battent, au lieu de rives, des rivages. Il ordonna aux plaines de s’étendre, aux vallées de s’abaisser, aux forêts de se couvrir de feuillage, aux montagnes rocheuses de se soulever. Deux zones partagent le ciel à droite, deux autres à gauche, avec une cinquième plus chaude au milieu d’elles ; la masse qu’il enveloppe fut soumise à la même division par les soins du dieu et il y a sur la terre autant de régions que couvrent les zones d’en haut. L’ardeur du soleil rend celle du milieu inhabitable ; deux autres sont recouvertes de neiges épaisses ; entre elles il en plaça encore deux, à qui il donna un climat tempéré, en mélangeant le froid et le chaud.

Au-dessus s’étend l’air; autant il est plus léger que la terre et l’eau, autant il est plus lourd que le feu. C’est le séjour que le dieu assigna aux brouillards et aux nuages, aux tonnerres, qui épouvantent les esprits des humains, et aux vents, qui engendrent les éclairs et la foudre. Aux vents eux-mêmes l’architecte du monde ne livra pas indistinctement l’empire de l’air; aujourd’hui encore, quoiqu’ils règnent chacun dans une contrée différente, on a beaucoup de peine à les empêcher de déchirer le monde, si grande est la discorde entre ces frères. L’Eurus se retira vers l’aurore, le royaume des Nabatéens, la Perse et les sommets au-dessus desquels montent les rayons du matin ; Vesper et les rivages attiédis par le soleil couchant sont voisins du Zéphyre ; l’horrible Borée envahit la Scythie et le septentrion ; les régions opposées de la terre sont détrempées sans trêve par les nuages et les pluies de l’Auster. Au-dessus des vents, le dieu plaça l’éther fluide et sans pesanteur, qui n’a rien des impuretés d’ici-bas. Dès qu’il eut enfermé tous ces domaines entre des limites immuables, les étoiles, longtemps cachées sous la masse qui les écrasait, commencèrent à resplendir dans toute l’étendue des cieux. Pour qu’aucune région ne fût privée de sa part d’êtres vivants, les astres et les dieux de toutes formes occupèrent le céleste parvis.

 

 

Ovide, Métamorphoses


 

 

Ce premier monde était une forme sans forme,
Une pile confuse, un mélange difforme,
D’abîmes un abîme, un corps mal compassé,
Un Chaos de Chaos, un tas mal entassé ;
Où tous les éléments se logeaient pêle-mêle ;
Où le liquide avait avec le sec querelle,
Le rond avec l’aigu, le froid avec le chaud,
Le dur avec le mol, le bas avec le haut,
L’amer avec le doux: bref durant cette guerre
La terre était au ciel et le ciel en la terre.
La terre, l’air, le feu se tenaient dans la mer ;
La mer, le feu, la terre étaient logés dans l’air,
L’air, la mer, et le feu dans la terre : et la terre
Chez l’air, le feu, la mer. Car l’Archer du tonnerre
Grand Maréchal de camp, n’avait encor donné
Quartier à chacun d’eux. Le ciel n’était orné
De grandes touffes de feu : les plaines émaillées
N’épandaient leurs odeurs : les bandes écaillées
N’entrefendaient les flots : des oiseaux les soupirs
N’étaient encore portés sur l’aile des Zéphyrs.
Tout était sans beauté, sans règlement, sans flamme.
Tout était sans façon, sans mouvement, sans âme ;
Le feu n’était point feu, la mer n’était point mer,
La terre n’était terre, et l’air n’était point air ;
Ou si jà se pouvait trouver en un tel monde,
Le corps de l’air, du feu, de la terre, et de l’onde ;
L’air était sans clarté, la flamme sans ardeur,
Sans fermeté la terre, et l’onde sans froideur.
Bref, forge en ton esprit une terre, qui, vaine,
Soit sans herbe, sans bois, sans mont, sans val, sans plaine ;
Un Ciel non azuré, non clair, non transparent,
Non marqueté de feu, non voûté, non errant ;
Et lors tu concevras quelle était cette terre,
Et quel ce ciel encor où régnait tant de guerre.
Terre, et ciel, que je puis chanter d’un style bas,
Non point tels qu’ils étaient, mais tels qu’ils n’étaient pas. 

 

 

Guillaume Salluste Du Bartas,
Premier Jour de La Sepmaine


 

 

La lumière étant faite, il voulut des Cieux hauts
L’étendue créer et séparer les eaux
Qui sous icelle étaient des eaux au dessus d’elle.
Dieu dit « Que cela soit » et la chose fut telle.
Dieu donc fit l’étendue et Ciel il l’appella.
Or sa toute puissance on peut remarquer là
Plus qu’en nul autre lieu, aussi par excellence
La parole le dit siège de sa puissance.
Lors du soir et matin fut fait le jour fécond,
Puis Dieu dit « Que les eaux qui dessous le Ciel sont
Se rangent en un lieu et que le sec paraisse »
À cette voix soudain l’amas des eaux s’abaisse.
Le sec lors apparut, savoir être les monts hauts,
Les collines, les prés, les plaines et les vaux.
La rivière et la mer du sec étant bornée,
Du soir et du matin fut la tierce journée.
Cela fait, il voulut le sec terre nommer
Et des eaux l’assemblée il l’appella la mer,
Mer du tout inconstante, horrible et furieuse
Et en ses actions étrange et périlleuse. 

 

 

Théodore Agrippa d’Aubigné, La Création


 

 

Le ciel ouvrit, dans toute leur largeur,
Ses portes éternelles tournant sur leurs gonds d’or
Avec un son harmonieux, pour laisser passer
Le Roi de gloire dans son puissant Verbe
Et dans son Esprit, qui venait créer de nouveaux mondes.
Ils s’arrêtèrent tous sur le sol du ciel, et contemplèrent
Du bord l’incommensurable abîme,
Orageux comme une mer, sombre, dévasté, sauvage,
Bouleversé jusqu’au fond par des vents furieux,
Enflant des vagues comme des montagnes, pour assiéger
La hauteur du ciel et pour confondre le centre avec le pôle.
— Silence, vous vagues troublées ! et toi, abîme, paix !
Dit le Verbe qui fait tout ; cessez vos discordes ! —
Il ne s’arrêta point, mais enlevé sur les ailes des Chérubins,
Plein de la gloire paternelle, il entra
Dans le chaos et dans le monde qui n’était pas né ;
Car le chaos entendit sa voix : le cortège des anges
Le suivait dans une procession brillante, pour voir
La création et les merveilles de sa puissance.
Alors il arrête les roues ardentes, et prend dans sa main
Le compas d’or, préparé dans l’éternel
Trésor de Dieu, pour tracer la circonférence
De cet univers et de toutes les choses créées.
Une pointe de ce compas il appuie au centre, et tourne
L’autre dans la vaste et obscure profondeur,
Et il dit : — Jusque-là étends-toi, jusque-là vont tes limites ;
Que ceci soit ton exacte circonférence, ô monde ! —
Ainsi Dieu créa le ciel, ainsi il créa la terre ; matière informe et vide.
(…)
Le Tout-Puissant parla encore : — Que des corps de lumière
Soient faits dans la haute étendue du ciel, afin qu’ils séparent
Le jour de la nuit : et qu’ils servent de signes
Pour les saisons et pour les jours et le cours des années,
Et qu’ils soient pour flambeaux, comme je l’ordonne,
Leur office dans le firmament du ciel
Sera de donner la lumière à la terre ! — Et cela fut fait ainsi.
Et Dieu fit deux grands corps lumineux, grands par leur utilité
Pour l’homme, le plus grand pour présider au jour,
Le plus petit pour présider à la nuit. Et il fit les étoiles
Et les mit dans le firmament du ciel
Pour illuminer la terre, et pour régler le jour,
Et pour régler la nuit dans leur vicissitude,
Et pour séparer la lumière d’avec les ténèbres. Dieu vit,
En contemplant son grand ouvrage, que cela était bon.
Car le soleil, sphère puissante, fut celui des corps célestes
Qu’il fit le premier, non lumineux d’abord,
Quoique de substance éthérée. Ensuite il forma la lune
Globuleuse et les étoiles de toutes grandeurs,
Et il sema le ciel d’étoiles comme un champ.
Il prit la plus grande partie de la lumière
Dans son tabernacle de nuée, il la transplanta
Et la plaça dans l’orbe du soleil, fait poreux pour recevoir
Et boire la lumière liquide, fait compact pour retenir
Ses rayons recueillis, aujourd’hui grand palais de la lumière.
Là, comme à leur fontaine, les autres astres
Se réparant, puisent la lumière dans leurs urnes d’or,
Et c’est là que la planète du matin dore ses cornes.
Par impression ou par réflexion ces astres augmentent
Leur petite propriété, bien que, si loin de l’oeil humain,
On ne les voie que diminués.
D’abord dans son orient se montra le glorieux flambeau,
Régent du jour; il investit tout l’horizon
De rayons étincelants, joyeux de courir
Vers son occident sur le grand chemin du ciel: le
Pâle crépuscule, et les Pléiades formaient des danses devant lui,
Répandant une bénigne influence. Moins éclatante,
Mais à l’opposite, Sur le même niveau dans l’ouest, la lune était suspendue ;
Miroir du soleil, elle en emprunte la lumière sur sa pleine face ;
Dans cet aspect, elle n’avait besoin
D’aucune autre lumière, et elle garda cette distance
Jusqu’à la nuit; alors elle brilla à son tour dans l’orient,
Sa révolution étant accomplie sur le grand axe des cieux: elle régna
Dans son divisible empire avec mille plus petites lumières,
Avec mille et mille étoiles ! elles apparurent alors
Semant de paillettes l’hémisphère qu’ornaient, pour la première fois,
Leurs luminaires radieux qui se couchèrent et se levèrent.
Le joyeux soir et le joyeux matin couronnèrent le quatrième jour.

 

 


John Milton, Paradis Perdu, chant VII


 

 

Ô Nature ! ô ma mère ! ô déesse éternelle !
Toi que l’erreur des lois veut rendre criminelle,
Je t’implore, descends, respire dans mes vers !
Ô source du génie, âme de l’univers,
C’est toi, fille des dieux, toi dont les mains fécondes
Forment la chaîne immense et des temps et des mondes.
Ta volonté suprême est ta suprême loi. 

Ton règne illimité n’a de bornes que toi.
Loin au-delà des cieux où tes flammes circulent,
De ton immensité les bornes se reculent.
C’est ta main qui semait sous tes pas radieux
Leur poussière étoilée aux vastes champs des cieux.
Eclaire des mortels l’orgueilleuse ignorance,
Ô centre ! qui jamais n’eus de circonférence,
Comment fis-tu rouler dans le cercle des ans
Et les rapides jours et les siècles pesants ? 

Tu dis, et du chaos les gouffres disparurent;
La matière, l’espace et le temps accoururent.
Autour de toi flottants, les mondes et les cieux
N’attendaient pour marcher qu’un signe de tes yeux
Tu sortis de toi-même, et ta main sûre et libre
Au sein des mouvements balança l’équilibre,

Vers un centre commun fit peser tous les corps,
Des éléments rivaux assembla les accords,
Alluma les soleils, suspendit les planètes
Et crayonna leur route aux rapides comètes ;
Fit éclore en jouant les astres et les fleurs,
De l’arc brillant des cieux nuança les couleurs ;
Sut diviser l’atome en points inaltérables,
Enferma dans un gland des forêts innombrables,
Brisa l’angle, et du cercle arrondit les contours.

 

 

Lebrun, La Nature


 

 

D’autres ont pu sortir de l’abîme des âges,
Soit qu’échappé du sein d’un orbe étincelant
Un débris enflammé s’en éloigne en roulant,
Soit, et j’en crois Herschell, que dans son atmosphère
Le soleil ait produit une vapeur légère
Qui d’atomes flottant attirant le concours,
Obéit à cet astre et le suit dans son cours.
L’espace laisse errer cette masse fluide,
Et dans son mouvement sur son axe rapide
L’attraction la forme en un corps arrondi
Que vingt siècles peut-être ont à peine attiédi.
C’est un soleil nouveau que le monde a vu naître,
Lumineux par lui-même, et qui va ne plus l’être :
Mais non solide encore, et dans l’immensité
Lançant d’autres débris de son disque agité.
Maîtrisés, en tournant, par la loi qui les presse,
Son équateur s’élève, et son pôle s’abaisse
À mesure qu’il fuit dans les plaines du ciel
Le foyer enflammé de l’astre paternel ;
Sa chaleur s’amortit, sa matière plus dense
Règle enfin sa vitesse en gardant sa distance :
Le globe ardent n’est plus et l’on voit en son lieu
Rouler un monde éteint autour d’un astre en feu.
Tel fut le sort, dit-on, des sœurs de notre sphère
Qui jaillirent des flancs de leur glorieux père
Et, sur un même plan, circulant à l’entour,
Forment une ceinture au dieu brillant du jour. 

 

 

Pierre Daru « D’autres ont pu sortir de l’abîme des âges »


 

 

Martyres, croix de l’Art, formules, fugues douces,
Babels d’or où le vent soigne de bonnes mousses ;
Mondes vivotant, vaguement étiquetés
De livres, sous la céleste Eternullité :
Vanité, vanité, vous dis-je ! – Oh, moi, j’existe,
Mais où sont, maintenant, les nerfs de ce Psalmiste ?
Minuit un quart; quels bords te voient passer, aux nuits
Anonymes, ô Nébuleuse-Mère ? Et puis,
Qu’il doit agoniser d’étoiles éprouvées,
À cette heure où Christ naît, sans feu pour leurs couvées,
Mais clamant : ô mon Dieu ! tant que, vers leur ciel mort,
Une flèche de cathédrale pointe encor
Des polaires surplis ! – Ces Terres se sont tues,
Et la création fonctionne têtue !

 

 

Jules Laforgue, Préludes autobiographiques


 

 

Anneaux tourbillonnnants des univers en feu,
Brisez-vous et serrez dans le large éther bleu
Vos fragments enflammés qui deviendront des mondes !
Lustres étincelants, multipliez vos rondes !
Niagaras de diamants, fleuves vermeils,
Faites pleuvoir aux cieux vos chutes de soleil !

 

 

André Joussain, L’Epopée terrestre


 

 

Mais lui même quel vent l’a jeté sur terre ?
Est-il l’obscur crachat de quelque obscur cratère
Est-il un don des Cieux au monde à son réveil ?
Est-il né de la fange ainsi que l’eau des nues ?
A t il pris de l’éther les routes inconnues ?
Est-il le fils lointain d’un plus lointain soleil ?

 

 

Warnery, Les Origines


 

 

Mais, en ruptures de l’emport périphérique
qu’il rend tangentielles,
ce qui tourne et pèse,
exprimant l’être du Multiple allotropique –
de l’onde d’expansives volves du moins-dense
s’environnait, quitté de son pantèlement. 

Et se roulant agglomérée en sa genèse :
la voration solaire et seule, avait tourné
dans les lenteurs et dans le déliement immense
de ses Anneaux : départs après départs, entré
dans son épars enroulement, – solitairement
centré !… 

Soleils ! pulpes agglomérant leur graine !
centres nouveaux et nûment mêmes d’où vont rompre
de mêmes et nouvelles gemmations ! ô traîne
en points stellés du remuement des plénitudes
Soleils ! et autour des Soleils de qui vous êtes
la loin-astreinte vague allant les amplitudes
de vos ellipses s’entre-pesant, qui au long
de vos axes premiers tressaillez des tempêtes
de l’Origine ! – alors que des inquiétudes
de ses éternités, son unité répond…

 

 

René Ghil, Le Dire du Mieux


 

 

Lente conversion d’énergie et d’élan,
Ce va-et-vient tiré, se désarticulant,
Cassant, laissant traîner ses pâles tronçons mornes,
Des abîmes sans fond jusqu’aux gouffres sans bornes,
Se fendant, se fondant, s’écrasant, se ruant,
Se hâtant sous les rumbs aux mille voix huant,
Dans la fuite du temps, des éthers et des vides,
Semblaient s’amalgamer en des rondeurs livides,
Et d’étranges lueurs dans l’espace sans bord
De l’entrefoudroyement prenaient des regards d’or.

 

 

Strada, La Génèse universelle


 

 

Comment dans cette vase aux clapotements mous
Où les derniers volcans soulevaient des remous,
Comment sous l’action et les forces amies
Du soleil, des foyers souterrains, des chimies,
Du temps, comment a pu s’opérer en un point
Cette genèse, c’est ce que l’on ne sait point.
Des corps simples à la cellule, à la monère,
Par quels chemins passa la substance ternaire,
Puis quaternaire, pour s’albuminoïder
Et s’agréger, vivante, on n’en peut décider.
Le carbone de l’air, alors en abondance
Dans l’atmosphère encore irrespirable et dense,
Avec les gaz de l’eau d’abord combina-t-il
Ou l’âcre ammoniaque ou l’azote subtil ?
Ou bien est-ce plutôt par le cyanogène
Que se noua l’anneau primitif de la chaîne,
Gaz instable, mobile et propice aux hymens ?
La science n’a pas éclairé ces chemins.
Mais un point lumineux dans cette ombre douteuse,
C’est que de ces hymens l’eau fut l’entremetteuse,
Et qu’il fallut son lit ouvert à tous les vents
Pour engendrer enfin les premiers corps vivants.
Aujourd’hui même encor, comme en ce temps antique,
On a pu la surprendre au fond de l’Atlantique
En pleine éclosion du germe originel
Ayant pour dernier fruit l’organisme charnel,
Embryon de ce qui plus tard doit être un homme.
Un être existe là, que la science nomme

Bathybius, un être informe, sans couleur,
Une larve plutôt qu’un être, une pâleur
Encor plus qu’une larve, une ombre clandestine,
Semblable à du blanc d’œuf, à de la gélatine,
Quelque chose de vague et d’indéterminé.
Ce presque rien, pourtant, il existe. Il est né,
Il se nourrit, respire, et marche et se contracte,
Et multiplie, et c’est de la matière en acte.
Sous le plus simple aspect, sans créments superflus,
C’est du protoplasma vivant, et rien de plus.
Qu’un fragment de ce corps s’en détache, et que l’onde
En transporte autre part la bribe vagabonde,
À ce nouveau milieu cet obscur ouvrier
D’une forme nouvelle ira s’approprier.
D’amorphe il deviendra fini. C’est une sphère.
De ce rien qu’il était, déjà comme il diffère !
Il évolue encor, se centre, en même temps
Allonge autour de lui des filaments flottants.
Sont-ce des membres ? Oui. Mieux, même : des organes.
Et la vie à présent avec tous ses arcanes
Peut s’épandre, grandir, se différencier,
Et, partant de cet humble et vague devancier,
Racine d’où jaillit l’arbre de nos ancêtres,
Gravir tous les degrés de l’échelle des êtres.
Ô vie, ô flot montant et grondant, je te vois
Produire l’animal, plante et bête à la fois,
Te transformer sans fin depuis ces anciens types,
Devenir l’infusoire, entrer dans les polypes,
Monter toujours, des corps multiplier l’essaim,
Être, sans t’y fixer, l’astérie et l’oursin,
Pétrifiée un temps au lis de l’encrinite,
Repartir en nautile, évoquer l’ammonite,
Et du céphalopode évoluer devers
L’innombrable tribu d’annélides des vers,
Monter toujours, sans faire un seul pas inutile,
Jusqu’au plésiosaure engendré du reptile,
Lui donner du lézard le sternum cuirassé,
Dans ses pattes déjà rêver le cétacé,
Puis au ptérodactyle ouvrir l’essor d’une aile,
Monter, monter toujours dans l’onde maternelle,
Monter de cette ébauche au narval, au dauphin,
Au phoque, à la baleine, au mammifère enfin,
Et dans ce mammifère achever ton ouvrage
Par ces fils derniers nés qui jusques à notre âge
De rameaux en rameaux auront pour floraison
L’homme droit sur ses pieds et fort de sa raison.

 

 

Jean Richepin, La Gloire de l’eau


 

 

L’Eternel dit :

« Les astres, soutenus par mon bras dans l’espace, parcourent l’immensité : aucun obstacle ne s’oppose à leur marche dont le principe est ma volonté, dont le but est l’exécution de mes plans. Deux mouvements faits en apparence pour se détruire, écueils des sciences humaines, les éloignant et les rapprochant sans cesse, les retiennent dans leurs orbites, et s’opposent à ce que leur choc n’occasionne un épouvantable chaos. Ma main toute-puissante séparant les ténèbres de la lumière, alluma ces flambaux dont l’éclat éternel scintille dans les cieux. L’astre du jour les remplit de lumière; elle s’écoule par torrents intarissables : d’autres soleils épars dans le vide, centres de systèmes plus vastes, y versent aussi des torrents lumineux sur des astres relégués aux confins de l’espace ; leurs rayons réfléchis par les planètes se croisent, se confondent dans l’étendue, se réunissent sur le globe habité qu’ils éclairent et qu’ils vivifient. Les éléments agités par ces feux y composent tour à tour la chaîne des êtres qui l’embellissent. J’ai formé le noyau de ce globe d’une matière assez dure pour que l’océan qui le couvre et dissout tous les corps ne puisse le pénétrer, et se précipitant au centre, laisse aride sa surface. Deux forces opposées ébranlent d’un pôle à l’autre cette masse immense d’ondes accumulées dans l’abime, et par un balancement éternel s’opposent à leur corruption.

 

 

P. Boiste, L’Univers


 

 

Il n’est pas d’étoiles fixes : par un mouvement sans fin tout est entraîné dans l’espace. Le Soleil que l’on croyait immobile court lui-même vers un point du ciel. Où vont ces immenses troupeaux d’astres fuyant à travers les espaces ? Leur course a-t-elle un but sublime, ou ne seraient-ils que les rêves effrénés du cerveau d’un Dieu, des rêves condamnés à périr, et qui tourneraient avant de tomber dans la mort, comme de grands oiseaux attirés par un gouffre !

Il fut donc un moment où tout dormait en germe dans l’œuf d’or du Soleil, ma vie, celle de tous les êtres, fils de la Terre, le monde organique et l’inorganique, les océans, les continents, les forêts, le bien et le mal, le ciel et l’enfer d’ici-bas, et la Lune et les autres Êtres, filles du Soleil, avec leur évolution vitale, leur longue histoire, splendide ou sombre. Or de naissance en naissance ne pourrions-nous remonter jusqu’à Dieu, et à une heure première, où les Voies Lactées et les énormes Nébuleuses, l’Univers immense, reposaient aussi, comme des rêves près d’éclore, en la nuit muette de son cerveau ?

 

 

Jean Lahor, La Gloire du Néant


 

 

Puis naquirent les planètes
avec, pour rayons, des soies de porc,
des astres en métal blanc
semés d’une chapelure d’ozone,
et d’autres
dont la bouche était un timbre de caoutchouc;
tous
rayèrent une nuit soumise au froid industriel.

 

 

Paul Morand, Boule-Panorama


 

 

79
hyper leur quatre trucs éclatement burlesque
atome insuffisant atome gigantesque
rien à rien suffisant tout au tout romanesque
le monde était moins vieux que les supputations
et la terre moins grû que quelque pute à Sion
la terre était bien vierge et bien bouillonnaveuse
quelque constellation se penche un peu baveuse
sur des destins humains et des destins d’homards
tandis que le miel coule en la fesse argentée
des coquilles bleuies d’âge en âge hantées
par un diogène ermite à des noms raccordés
bernard de tout succinct crabe de tout refus
tandis que le salpêtre au frontière s’éloigne
des sources de soleil très indistinct témoign-
age que des brouillons plus précis étalés
jeunesse oh jeunesse oh jeunesse nébuleuse
la terre t’a comptée en tes éloignements
et les muscles du sol se striaient savamment
en suivant la part fauve à la course impérieuse
98
réservée en l’instant par un calcul d’algèbre.
Autrefois les chiffres hameçons de zéros
infiniment variés mijotaient en l’atome
indéfiniment nus indéfiniment sots
mais leur compte était bon et les voici vaillants
chevauchant l’explosion oh jeunesse oh jeunesse
que le graphe était beau sillon d’entre tes fesses
nébuleuse obstinée en ton éclatement
jaillissant d’un point cru du zest de tous les mondes
encore inépluchés encore tout enfants
et les ombres bagarraient en leur solitude
et les voici vainqueurs chevauchant l’amplitude
de l’abcès poinçonné du germe jaillissant
de la croûte disloque et du feu magistral
de la pustule expue et du grain vertical
et les voici connards en leur satisfaction
de se joindre couillards en leurs additiions
de se retirer cons en leurs soustractiions
et de se reproduire en multiplications
et de bien s’effondrer en toute division
de grandir à fond dtrain en exponentiation
et de se lambiner en simples logarithmes
jeunesse oh jeunesse oh quand un chatouillait deux
sans savoir que son foutre en extrairait le tiers
quand les signes d’algèbre amollissaient leurs jeux
quand les égalités reposaient dans le foie
alors analcoolique en l’atome adipeux
et que l’informe quatt ptit spermatozoïde
attendait de jouxter l’ovule arithmoïde
quand le pus des erreurs ne dégoulinait pas
de la preuve par neuf ou de l’orgueil comptable
oh jeunesse oh jeunesse alors à cette table
où le néant bouffait le déjeuner instable
des possibles conflits en une identité
survint la loi tranchante et indécomposable
lança des trous d’être en l’indéfinité.
134
Petit arbre veineux petit bleu coquillage
135
on ne sait d’où tu viens Les étoiles galopent
Des mondes l’entre deux s’étale en une plage
dont on compte les voix tout comme en un gallup
petit vert autobus petit rouge meurtri
petit indigo bleu petit vert orangé
petite roue à crans petite jambe à jante
petit spectre d’azur petit mont de granit
petit orage mûr petite ère indulgente
un pinçon hors du temps a largement suffi
pour déclencher votre heure à l’horloge offensante
où l’espace au nez creux insolemment s’inscrit
La terre se formait Vives les nébuleuses
se trissaient en formant un espace au nez creux
pour que la terre y fît son nid où l’arbre bleu
le veineux coquillage et le rouge autobus
et tous les vers meurtris toutes les roues à jantes
et les jambes à cran et les monts de granit
s’y forassent leur trou s’y fondissent eux-mêmes
oh jeunesse oh jeunesse oh ce soleil voilé
du viol de l’indigo des volets du violet
et des pleins de l’azur et des touches de rouge
157
et des chaleurs du jaune oh lumière oh jeunesse

 

 

Raymond Queneau, L’atome primitif

L’atome primitif, l’âge du monde, la nébuleuse primordiale (79-98). Les nombres (98-134). L’éclatement de l’atome primitif (79-134) donne naissance à la variété des choses représentée par l’arc-en-ciel (135-157)


 

 

II 

Le vent du monde emporte des planètes
et les enroule autour des flammes.
Fête multicolore des premières bombes
qui construisent un village dans le néant
à grands coups de fusions contagieuses,
de rayonnements furtifs, d’expansions géantes.
Tous les desseins de l’existence
se glissent au fond de la matière
pour la grande parade des conséquences,
l’alignement des faits,
la foire des sous-produits.
Le hasard se ruine en circonstances.
Rupture d’espace. Voltige du temps.
L’avenir se fripe dès qu’il s’assoit
comme l’étoffe dont il s’habille. 

III 

L’énergie bat le rappel des forces
qui viendront compliquer la substance,
lui offrir les possibilités de l’inutile,
le tumulte des pierres et de l’intelligence.
Mais les astres ne l’ont pas compris encore.
Ils s’écartent sans déchirer la plèvre.
Pour scintiller au large
les galaxies prennent souffle de lumière
dans le magma silencieux des origines.
La molécule se cherche une famille
pour accéder à l’importance du composé.
Convulsions d’invisible ! Chute des corps simples.
Lasses de tournoyer au bon plaisir des gouffres,
les particules montent à l’assaut du geste.

Les lointaines échéances du vide
se payent en monnaie d’étoiles.
Le destin ouvre un compte sur la terre.
Mais le brouillard estompe d’infini
la première signature de la plume inconnue
devant les greffiers de l’intemporel,
laisse anonyme le don de toute mouvance
aux héritiers de l’immuable.

 

 

Maurice Couquiaud, Un profil de buée


 

 

Lequel des deux est l’origine l’Abîme ou bien la lettre A
Lequel l’écho lequel l’espace ou l’un à l’autre leur écho
Deux gouffres ronds font une sphère étanche sans dehors ni bords
A l’emplit toute d’un éclat que nulle part n’émet de voix 

Est-il le râle de l’haleine dure à naître du Vide en Soi
Ou bien le souffle d’agonie d’un Âge que le Vide aspire
Ou bien les deux qui n’en font qu’un mourant naissant au même instant
Entre les deux moitiés duquel surgit un monde puis s’efface

Les yeux fermés est-il Quelqu’un qui Se perçoive dans ce A
Ou qui commence de très loin à Se rêver comme parfois
Un dormeur s’entendant gémir croit qu’un Autre augural lui parle
Et tout son rêve se déploie pour rejoindre cet Autre-là 

Que d’univers se sont déjà déployés entre ici et là
Dans chacune de ses parties chacun étant aux deux extrêmes
Car ce A du commencement n’est qu’à la fin d’un Oméga
A privatif étrangement qui engloutit parce qu’il fonde.

 

 

Pierre Emmanuel, A

 

st raph

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